RDC : noyés dans l’indifférence, inondés par les failles du système, Kinshasa et Bikoro comptent leurs morts

En moins d’une semaine, Kinshasa et Bikoro ont été frappées par deux catastrophes meurtrières différentes, il s’agit des inondations en pleine saison sèche dans la capitale, et du naufrage tragique sur le lac Tumba. Bilan : des dizaines de morts, des centaines de disparus, et une fois de plus, des promesses gouvernementales sans garanties. Ces drames révèlent l’ampleur de la crise structurelle que traverse la République démocratique du Congo, notamment : l’urbanisation chaotique, les infrastructures défaillantes, l’absence de prévention… Autant de signes d’un pays exposé, qui continue de payer au prix fort l’absence de vision durable.

Certes, Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, a une nouvelle fois été frappée par des inondations meurtrières. Dans la nuit du 13 au 14 juin 2025, en pleine saison sèche, une pluie torrentielle a transformé plusieurs quartiers de la ville en véritables marécages. Le bilan provisoire est lourd : 29 morts recensés dans huit communes, des centaines de maisons submergées, des familles déplacées, des biens emportés, et des espoirs noyés sous la boue. Une semaine plus tôt, un drame tout aussi tragique endeuillait le pays : un naufrage sur le lac Tumba, dans la province de l’Équateur, faisait 48 morts, 46 rescapés, et plus d’une centaine de disparus. Deux catastrophes en moins de cinq jours. Deux chocs qui rappellent cruellement l’extrême vulnérabilité du pays face aux crises naturelles, et surtout humaines.

À Kinshasa, la pluie n’a fait que révéler l’effondrement progressif d’un modèle urbain défaillant. Une ville de plus de 17 millions d’habitants, dont l’extension anarchique a fini par épouser les zones les plus à risque : rivières envahies par les constructions, collines déboisées, canaux d’évacuation saturés, sols imperméabilisés, déchets abandonnés à ciel ouvert ; année après année, les mêmes images défilent : murs effondrés, meubles trempés, vêtements séchés à même la rue, enfants pataugeant dans l’eau trouble, autorités débordées, habitants résignés. L’exception est devenue la norme. À force de répétition, la catastrophe s’est banalisée. Mais derrière les chiffres et les flaques d’eau, c’est une crise structurelle qui s’installe. Une crise de gouvernance, d’anticipation, de justice sociale. Car ce sont toujours les mêmes quartiers populaires qui paient le plus lourd tribut : Ngaliema, Matete, Selembao, Masina. Là où le foncier est souvent informel, les constructions non viabilisées, et les moyens de partir quasi inexistants.

Le gouvernement, par la voix du ministre de l’Intérieur, a promis une réponse adaptée : assistance aux sinistrés, mission interministérielle à Bikoro, mise à jour du plan de gestion des catastrophes. Mais pour beaucoup, ces mots résonnent comme une litanie déjà entendue. Car ce qui manque, ce n’est pas l’émotion ou la promesse, c’est l’action concrète, visible, durable. Il ne s’agit plus seulement de réagir après coup, mais d’anticiper, de planifier, de protéger. Tant que les plans d’urbanisme resteront théoriques, tant que les mécanismes de prévention ne sortiront pas des tiroirs, tant que la croissance urbaine échappera à tout contrôle, chaque pluie extrême deviendra un deuil national.

Le naufrage de Bikoro, lui, révèle une autre facette de cette même vulnérabilité. Des embarcations surchargées, sans équipements de sécurité, évoluant dans des conditions météorologiques extrêmes, témoignent de l’état critique du transport fluvial en RDC. Là aussi, les morts ne sont pas le fruit du hasard ou de la fatalité, mais d’un système laissé à lui-même, sans normes strictes, sans contrôle réel, sans protection des vies humaines. Comme à Kinshasa, ce sont les plus pauvres, les plus isolés, les plus invisibles qui sombrent en silence.

Ce double drame appelle plus qu’un deuil collectif : il exige une révision en profondeur des priorités nationales. Bâtir une ville résiliente, moderniser les infrastructures, encadrer l’urbanisation, structurer les transports, impliquer les communautés, responsabiliser les décideurs. C’est tout cela qu’il faut penser, urgemment, lucidement. Sinon, Kinshasa continuera de se noyer dans l’indifférence, et la RDC de compter ses morts sans jamais enterrer les causes.

Yasmine Alemwa Ibango

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