Mardi soir, l’Accor Arena de Paris a vibré d’une énergie particulière. Bien au-delà d’un simple concert, l’événement « Solidarité Congo » a constitué une puissante mobilisation artistique et citoyenne. Une trentaine d’artistes majeurs de la scène francophone, de Gims à Fally Ipupa en passant par Soolking , Céline Banza , Youssoupha et tant d’autres , ont répondu présents à l’appel pour lever des fonds et surtout, braquer les projecteurs sur le conflit dévastateur qui ronge l’Est de la République démocratique du Congo depuis trois décennies.
L’atmosphère, dès l’arrivée des spectateurs, était chargée d’une ferveur palpable. Les nombreux drapeaux congolais flottant dans la salle témoignaient d’une fierté blessée mais résolue, d’une diaspora et des sympathisants venus clamer haut et fort leur solidarité. Ce n’était pas seulement un public venu pour la musique, mais une assemblée consciente de l’enjeu, désireuse de manifester son soutien face à une crise trop souvent reléguée au second plan médiatique.
La programmation, éclectique et fédératrice, a su traduire cette union. Des figures emblématiques du rap français comme Youssoupha, dont les paroles percutantes ont dénoncé le silence entourant le conflit, au phénomène de la pop congolaise Fally Ipupa, acclamé comme une star et appelant à un « Congo indivisible », chaque artiste a apporté sa pierre à l’édifice. La présence poignante du pasteur congolais Moïse Mbiye a conféré une dimension spirituelle à la soirée, tandis que la kora mélancolique du Malien Sidiki Diabaté interprétant l’hymne congolais a suscité une émotion rare et particulière.
Au-delà des performances individuelles, c’est la cohérence du message qui a marqué. Les prises de parole des artistes, souvent spontanées et engagées, ont résonné avec les témoignages poignants de femmes victimes du conflit, projetés sur écran et dont deux ont courageusement pris la parole sur scène. Leurs mots, appelant à la paix et à la justice, ont rappelé l’urgence humanitaire et la nécessité d’une action concertée.
L’initiative, bien que louable, n’a pas été exempte de controverses. Le choix initial de la date, coïncidant avec la commémoration du génocide des Tutsis au Rwanda, avait suscité une vive indignation et un report nécessaire. Cet incident souligne la complexité des enjeux mémoriels et géopolitiques de la région, et la délicatesse avec laquelle de telles initiatives doivent être menées. La réaction prompte des organisateurs et le changement de date ont finalement permis au concert de se tenir, mais cette polémique initiale aura servi de rappel quant à la sensibilité du contexte.
La mobilisation d’artistes se produisant bénévolement, et le rôle central de l’association Give Back Charity de Dadju dans la récolte et la redistribution des fonds, témoignent d’un engagement sincère. L’affluence massive, avec un guichet fermé, confirme l’écho rencontré par cette cause auprès du public francophone.
Cependant, si l’impact émotionnel et la portée symbolique de « Solidarité Congo » sont indéniables, la question de son impact concret sur le terrain reste ouverte. Comme l’a souligné Isaac Massiala, conseiller au ministère des Sports et Loisirs de la RDC, « un concert ne va pas changer les choses » à lui seul. Néanmoins, cette mobilisation a eu le mérite crucial de « tirer la sonnette d’alarme une fois de plus », de sortir de l’ombre une crise humanitaire persistante et d’inciter, espérons-le, à une prise de conscience et à une action plus soutenue de la part des instances internationales et de l’opinion publique.
Notons que la « Solidarité Congo » restera comme un moment fort, une démonstration de la capacité de la musique à transcender le divertissement pour devenir un vecteur d’engagement et de solidarité. Si le chemin vers la paix en RDC est encore long, cette soirée a prouvé que la voix des artistes et du public peut contribuer à briser le silence et à raviver l’espoir.
Yasmine Alemwa Ibango