Sous un ciel de poussière et de chaleur, les éléphants de la vallée de Savé, dans le sud-est du Zimbabwe, s’entassent sur une terre qui n’arrive plus à les contenir. Arbres arrachés, points d’eau taris, cultures saccagées : la cohabitation entre ces géants et leur environnement est devenue intenable. Pour rétablir l’équilibre, les autorités ont décidé d’abattre cinquante éléphants, une mesure radicale qui soulève à la fois colère, incompréhension et malaise. Mais dans cette vallée saturée, l’alternative semble introuvable.
La réserve de Savé comptait l’an dernier environ 2 550 éléphants pour une capacité d’accueil estimée à 800, selon l’Autorité zimbabwéenne de gestion de la faune (Zimparks). Ce déséquilibre met en péril l’écosystème local, mais aussi les communautés rurales voisines, qui subissent de plus en plus fréquemment les incursions dévastatrices des pachydermes. En réponse, l’État prévoit l’abattage contrôlé de cinquante spécimens. Leur viande sera redistribuée aux populations locales, un geste que les autorités qualifient de nécessaire, à la fois pour soulager les tensions et justifier une action qui reste difficile à accepter pour une partie de l’opinion.
De son côté, l’ivoire ne pourra pas être vendu. Il sera conservé dans les dépôts de l’État, conformément à l’interdiction mondiale sur le commerce de défenses d’éléphants, en vigueur depuis plus de trente ans. Le Zimbabwe, qui détient l’un des plus grands stocks d’ivoire au monde, continue pourtant de plaider pour une révision de cette interdiction.
Le pays soutient qu’un commerce légal, éthique et contrôlé permettrait de financer ses politiques de conservation et de mieux protéger les espèces. En vain, jusqu’ici.
Car, dans cette affaire le paradoxe est frappant : le Zimbabwe, souvent salué pour avoir su préserver ses éléphants là où d’autres pays les ont vus disparaître, se retrouve aujourd’hui contraint d’en tuer pour préserver leur environnement.
La translocation vers d’autres réserves, bien qu’évoquée, est jugée trop coûteuse et logistique trop lourde. Les aides internationales, elles, restent limitées.
Ce drame écologique met en lumière les limites d’un système mondial de conservation qui impose des interdictions sans toujours proposer de solutions concrètes aux pays concernés. Il pose aussi une question de fond : la conservation peut-elle se faire sans tenir compte des réalités locales et des contraintes humaines ? La protection de la faune doit-elle nécessairement s’opposer au bien-être des populations rurales, premières victimes de cette surpopulation animale ?
Telles ont été toujours les questions qui restent sans réponses.
Yasmine Alemwa Ibango