En Afrique australe, même la mort ne suffit pas toujours à apaiser les rancunes politiques. Le décès en juin dernier de l’ancien président zambien Edgar Lungu, à 68 ans, dans un hôpital de Johannesburg, a plongé son pays dans un débat où le deuil se mêle à la diplomatie et au droit.
La famille du défunt tenait à respecter ses dernières volontés : être inhumé en Afrique du Sud, loin de Lusaka et surtout loin du regard de son successeur, Hakainde Hichilema. Un refus clair de la présence présidentielle, qui traduit l’ampleur d’une animosité vieille de plus d’une décennie. En 2017, Hichilema avait été arrêté et emprisonné sous la présidence Lungu. Depuis, les accusations de harcèlement politique et les passes d’armes médiatiques ont jalonné leurs rapports.
Mais, la justice sud-africaine vient de trancher : la dépouille sera rapatriée en Zambie, où le protocole d’État imposera des funérailles nationales. « Même si un président refuse des funérailles nationales, le protocole d’État doit l’emporter », a martelé le juge.
Derrière cette décision, c’est toute la question de la mémoire officielle qui se joue. Lungu, figure controversée, divisait profondément l’opinion : artisan de la stabilité pour certains, symbole d’un pouvoir autoritaire pour d’autres. En imposant le cérémonial national, le gouvernement Hichilema s’assure que l’histoire retiendra une image d’unité nationale… tout en reprenant la main sur le récit posthume de son rival.
La famille peut encore faire appel, mais le calendrier s’accélère. Le rapatriement pourrait avoir lieu dans les prochains jours. Les obsèques, elles, s’annoncent comme un théâtre à ciel ouvert, où chaque geste et chaque absence pèseront lourd dans le livre encore ouvert des tensions politiques zambiennes.
Yasmine Alemwa Ibango




