RDC : Les chefs coutumiers déclarent la guerre judiciaire à la CENCO et à l’ECC

Une plainte inédite vient secouer les piliers de l’influence religieuse en République démocratique du Congo. L’Alliance des autorités traditionnelles et coutumières pour le Grand Congo (AATCC) accuse frontalement deux poids lourds du paysage religieux congolais, à l’occurrence la CENCO et l’ECC, d’avoir franchi la ligne rouge de l’autorité coutumière. En jeu : la Constitution, la paix à l’Est, et le délicat équilibre des pouvoirs.

C’est un geste fort et symbolique. Accompagné de plusieurs notables venus des quatre coins du pays, pour lequel, Emmanuel Lemba-Lemba, président de l’AATCC, s’est présenté ce mercredi au parquet près la Cour de cassation. À la main, un dossier explosif : une plainte officielle contre la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC), deux institutions religieuses historiques accusées d’usurpation de pouvoir coutumier.

Dans le document remis aux autorités judiciaires, l’AATCC dénonce une « violation flagrante » de l’article 207, alinéa 4 de la Constitution. Ce passage confère aux autorités coutumières le rôle de promoteurs de l’unité nationale. Or, selon Lemba-Lemba, la CENCO et l’ECC auraient empiété sur ce terrain sacré.

« Ils ont engagé des consultations politiques avec des acteurs étrangers, des groupes armés et des autorités locales dans le cadre de leurs missions de paix, sans nous consulter », déplore le chef coutumier. « Ce sont des prérogatives réservées à notre autorité morale et ancestrale. »

Au cœur de cette querelle : les récentes médiations entreprises par les deux confessions religieuses dans la région des Grands Lacs, notamment à l’Est du pays où l’insécurité persiste. Pour les autorités coutumières, ces initiatives ont été menées au mépris du droit coutumier et de son ancrage constitutionnel.

« Nous ne contestons pas leur volonté de paix, mais leur méthode est illégale, car elle outrepasse leur mission religieuse », affirme l’AATCC, qui exige une enquête judiciaire pour « établir les responsabilités et rétablir l’ordre constitutionnel ».

Si cette affaire suit son cours devant la justice, elle pourrait bien ouvrir un nouveau chapitre dans les rapports entre institutions coutumières et entités religieuses en RDC. Elle met en lumière une tension historique, rarement exprimée avec autant de vigueur, entre spiritualité ancestrale et pouvoir ecclésiastique.

Ce bras de fer intervient alors que le pays traverse une période de fragilité politique et sécuritaire, et que les initiatives de médiation se multiplient face à l’impasse des conflits armés à l’Est.

La Cour de cassation est désormais appelée à trancher une question aussi sensible que fondamentale, à savoir : jusqu’où peut aller l’implication des Églises dans la gouvernance du pays, et où s’arrête leur mandat spirituel ?

Dans tous les cas, la clé d’une ‘’paix juste’’ réside dans la reconnaissance et le pardon.

Yasmine Alemwa Ibango

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