Depuis deux semaines, le marché de change à Kinshasa connaît une évolution inattendue : le franc congolais (FC), longtemps en perte de valeur, s’est nettement apprécié face au dollar américain. Le taux est passé de 2 850 FC à près de 2 600 FC, voire 2 500 FC dans certains bureaux de change. Cette tendance, rare dans l’histoire monétaire récente de la RDC, pourrait être porteuse d’opportunités. Mais sur le terrain, ses effets réels tardent à se faire sentir et la population s’interroge.
En effet, jeudi 2 octobre, le Magazine RD Congo-Monde a observé une agitation particulière dans plusieurs bureaux de change de la capitale. Certains fixent leur taux de manière sélective, selon les clients, en évoquant une pénurie de dollars. D’autres pratiquent la rétention volontaire, en alimentant un climat de spéculation.
Entretemps, plusieurs vendeurs refusent les paiements en devises, en exigeant uniquement le franc congolais. Cette attitude, loin de rassurer, accentue la méfiance des consommateurs face à un marché instable et fragmenté.
Et pourtant, l’appréciation du franc congolais devrait réduire le coût des importations et entraîner une baisse progressive des prix. Cependant, dans la pratique, les tarifs des denrées alimentaires, du carburant et des transports publics n’ont pas bougé. Pour beaucoup de ménages, cette amélioration reste invisible.
Ainsi, plusieurs observateurs s’interrogent sur cette stabilité monétaire, au regard notamment : des Charges d’importation : les commerçants estiment que la baisse du dollar n’a pas encore d’impact réel, leurs coûts étant alourdis par la fiscalité et les difficultés logistiques. De l’Inflation persistante : la hausse générale des prix reste structurelle, limitant les effets positifs d’un franc fort. De la Spéculation : certains acteurs préfèrent maintenir leurs prix, pariant sur un retour prochain du dollar à un niveau plus élevé.
Dans une ville où la majorité de la population vit au jour le jour, la stabilité des prix pèse plus que les fluctuations monétaires. Cette déconnexion entre la valorisation officielle du franc et le coût réel de la vie nourrit une question simple mais essentielle : « À quoi sert d’avoir un franc congolais fort, si le panier de la ménagère reste inaccessible ? »
Ce doute est révélateur d’un enjeu plus large : restaurer la confiance de la population envers la monnaie nationale, régulièrement ébranlée par des crises passées.
L’appréciation actuelle du franc congolais représente une chance de consolider la stabilité monétaire et de renforcer le pouvoir d’achat. Mais cette opportunité ne portera ses fruits que si elle se traduit dans le quotidien : transports moins coûteux, denrées de base accessibles et une réelle baisse des prix.
Pour y parvenir, la responsabilité est partagée :
- L’État doit réguler efficacement et veiller à ce que la variation du taux de change se répercute sur le marché intérieur.
- Les commerçants doivent adopter une attitude responsable en évitant la spéculation abusive.
- Les consommateurs, enfin, ont un rôle de vigiles économiques pour exiger transparence et justice dans les transactions.
Kinshasa vit un moment charnière. L’évolution du franc congolais face au dollar pourrait marquer le début d’un redressement économique tangible, mais elle risque aussi de n’être qu’une parenthèse passagère si elle ne s’accompagne pas de mesures concrètes. La population attend des résultats palpables : une monnaie forte qui ne se limite pas aux chiffres du marché, mais qui allège réellement le quotidien des Congolais.
Yasmine Alemwa Ibango