Jeux de hasard en RDC : un milliard qui disparaît. Enfin, un État qui s’éveille

  En République Démocratique du Congo, les jeux de hasard ne sont plus un simple divertissement. Ils se sont transformés en un gouffre financier national. Le paradoxe est brutal. En 2024, près d’un milliard de dollars américains ont été générés dans ce secteur, mais à peine un million à etre placé dans le Trésor public. Autrement dit, moins de 0,1 % des recettes ont bénéficié à l’État, laissant planer une question dérangeante : à qui profite réellement cette manne ?

C’est sur ce constat alarmant que le ministre des Finances, Doudou Fwamba Likunde Li-Botayi, a convoqué le mardi 23 septembre 2025 une réunion stratégique autour de la réforme des jeux de hasard, déjà adoptée en Conseil des ministres en avril dernier. Le ministre a fixé trois priorités : assainir le secteur, protéger les citoyens et renforcer la mobilisation des recettes publiques.

Mais au-delà des slogans, l’équation est complexe. Le secteur des jeux en RDC reste marqué par l’opacité, l’absence de régulation crédible et la prolifération d’opérateurs non agréés, souvent liés à des réseaux d’influence. Les textes légaux en vigueur, dépassés, ne permettent pas d’encadrer des réalités modernes comme les jeux en ligne, qui explosent sans aucun contrôle. Conséquence : l’État est privé de recettes vitales, tandis que les risques d’addiction, d’endettement, de blanchiment d’argent et même de financement du terrorisme se multiplient.

La relance de la Société nationale de loterie (SONAL) est présentée comme la pièce maîtresse de cette réforme. Le gouvernement promet d’en faire un acteur compétitif et transparent, capable de canaliser une partie de ces revenus vers le développement social et culturel. Mais là encore, un doute persiste : comment une institution affaiblie depuis des années pourrait-elle rivaliser avec la machine parallèle des opérateurs privés, dont certains semblent bénéficier d’une impunité tacite ?

La dépêche officielle du ministère des Finances mentionne la préparation d’un protocole d’accord entre la SONAL, le ministère du Portefeuille et les Finances pour renforcer la gouvernance du secteur. Une étape nécessaire, mais qui risque de rester cosmétique si elle n’est pas accompagnée d’outils de contrôle rigoureux, de sanctions réelles et d’une volonté politique constante.

La question centrale est donc moins de savoir si le gouvernement veut réformer que de savoir s’il en a les moyens et surtout la détermination. Car les enjeux dépassent la simple collecte fiscale. Derrière ce milliard qui échappe aux caisses publiques se cache une bataille sur la souveraineté économique, la protection des citoyens et la capacité de l’État à imposer la transparence dans un secteur où circulent d’énormes flux financiers.

Il est urgent que cette réforme ne soit pas une énième annonce, mais le début d’une véritable rupture. Les Congolais attendent des résultats concrets : que chaque dollar généré serve enfin au développement du pays, plutôt qu’à enrichir quelques opérateurs tapis dans l’ombre.

Le gouvernement a ouvert le chantier. La balle est désormais dans son camp : aura-t-il le courage de transformer un secteur longtemps capturé en un véritable levier de développement national ? La balle est de côté du gouvernement.

Yasmine Alemwa Ibango

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici