Alors que les États-Unis accélèrent la politique d’expulsions massives, une révélation surprend et interroge l’opinion internationale : le Kosovo (territoire incontesté de la Serbie au nord et à l’est, de la Macédoine du Nord au sud-est, de l’Albanie au sud-ouest et du Monténégro à l’ouest ) a commencé à accueillir sur son sol des personnes expulsées du territoire américain. Une décision discrète, mais lourde de symboles dans un contexte politique particulièrement tendu pour Pristina.
Le premier ministre Albin Kurti, fragilisé à l’intérieur comme à l’extérieur, a confirmé que son pays recevait désormais certaines personnes « dont les États-Unis ne veulent plus ». Une ou deux seraient déjà arrivées, glisse-t-il, sans donner les détails. Mais l’accord, signé en juin dernier, pourrait en confirmer jusqu’à cinquante.
Pour un pays jeune, fragile, et considéré comme l’un des plus pauvres d’Europe, ce geste n’est pas anodin.
Il s’inscrit dans une longue relation de reconnaissance envers Washington, soutien indéfectible de l’indépendance du Kosovo depuis 2008. À Pristina, cette fidélité se voit partout : avenues George W. Bush et Bill Clinton, drapeaux américains omniprésents, discours officiels teintés d’admiration.
Mais derrière l’image, la réalité politique se tend.
Albin Kurti, vainqueur des élections de février, n’a pas réussi à former un gouvernement, ouvrant la voie à de nouvelles élections le 28 décembre.
Ses positions envers la minorité serbe lui valent de sévères critiques, provenant cette fois de Washington. Les États-Unis l’accusent de compromettre la stabilité du pays. Un coup dur pour l’homme qui voulait se redéfinir comme le garant de la souveraineté kosovare.
L’affaire dépasse largement le Kosovo.
Elle s’inscrit dans une tendance plus globale : l’externalisation des politiques migratoires vers des pays tiers.
Le Kosovo avait déjà conclu un accord de 200 millions d’euros avec le Danemark pour accueillir des prisonniers étrangers condamnés au Danemark. L’Albanie accueille déjà des centres de retour pour les migrants renvoyés d’Italie.
Et, lundi encore, l’Union européenne a validé un durcissement inédit de sa politique migratoire, ouvrant la voie à la création de centres hors de ses frontières. Les Balkans apparaissent de plus en plus comme le laboratoire de ces nouvelles pratiques.
Les expulsions massives des États-Unis, les partenariats migratoires entre grandes puissances et petits États, les transferts de migrants vers des zones périphériques : tout indique un changement profond de paradigme.
Le Kosovo, à travers cet accord, se retrouve à la croisée des pressions :
- solidarité affichée envers Washington,
- dépendance économique,
- enjeux internes explosifs,
- risques d’instrumentalisation géopolitique.
Ce petit territoire de 1,8 million d’habitants devient malgré lui un terrain d’expérimentation des politiques migratoires globales.
Et une question émerge, essentielle :
jusqu’où les grandes puissances pousseront-elles la logique de “délégation migratoire” ?
Et à quel prix pour les pays qui acceptent de jouer le jeu ?
Yasmine Alemwa Ibango




