Dans un tournant historique, le Bénin a officiellement lancé une procédure permettant aux descendants d’esclaves afro-descendants d’obtenir la nationalité béninoise. Encadrée par la loi, cette initiative marque une volonté forte de réconciliation mémorielle, de reconnexion avec la diaspora noire mondiale, et de reconnaissance d’un passé douloureux partagé.
Le gouvernement béninois entend ainsi poser un geste d’ouverture et de justice symbolique envers les millions de personnes dont les ancêtres furent arrachés au continent africain lors de la traite négrière transatlantique. Toute personne afro-descendante souhaitant obtenir la nationalité devra apporter la preuve d’un lien ancestral avec une victime de la traite. Sont acceptés les tests ADN, ainsi que les preuves documentées et authentifiées.
L’octroi de la citoyenneté ne relève pas uniquement d’une démarche administrative : il s’agit d’un acte solennel, un hommage aux victimes, et une reconnaissance de leur héritage. Il permet également une réhabilitation identitaire pour les descendants d’esclaves, souvent privés de liens directs avec leurs origines africaines.
Parmi les premiers à recevoir cette citoyenneté, la chanteuse américaine Ciara s’est vue remettre, samedi à Cotonou, son certificat de nationalité béninoise. Visiblement émue, elle a participé à une cérémonie officielle en présence des autorités béninoises et de membres de la diaspora. La cérémonie, sobre mais hautement symbolique, s’inscrit dans un mouvement de réparation et de retour aux sources.
Dans le même esprit, le cinéaste américain Spike Lee et son épouse ont été nommés ambassadeurs du Bénin auprès des Afro-descendants des États-Unis. Leur mission : renforcer les liens culturels, diplomatiques et sociaux entre le Bénin et les communautés afro-descendantes à travers l’art, l’histoire et le dialogue.
Cette politique d’ouverture s’inscrit dans une continuité historique. En 1999 déjà, l’ancien président béninois Mathieu Kérékou avait présenté des excuses officielles au peuple afro-américain, lors d’un discours dans une église de Baltimore. Il y reconnaissait la part de responsabilité de certaines autorités africaines dans le commerce triangulaire.
Aujourd’hui, le Bénin va plus loin : il transforme ces excuses en action politique, en offrant une citoyenneté, mais aussi une main tendue vers un avenir commun. Cette volonté s’accompagne du développement du tourisme mémoriel, notamment autour des anciens ports négriers de Ouidah ou Abomey, qui furent autrefois des plaques tournantes de la traite des esclaves.
Le Bénin rejoint ainsi un mouvement plus large déjà amorcé par le Ghana avec son « Year of Return » et le Sénégal, qui encouragent les Afro-descendants à renouer avec leur héritage africain. Dans un contexte de quête identitaire croissante au sein des diasporas, ces politiques offrent une réponse concrète et apaisée aux blessures de l’histoire.
Rappelons que plus de 12 millions d’Africains ont été capturés et déportés lors de la traite transatlantique. L’ancien royaume du Dahomey, aujourd’hui territoire du Bénin, fut l’un des principaux points de départ de cette déportation massive.
En ouvrant ses bras aux enfants dispersés de l’Afrique, le Bénin envoie un message clair : « Vous êtes les bienvenus chez vous ». Plus qu’un simple passeport, la citoyenneté béninoise devient un acte de mémoire, de justice et d’espérance. Elle incarne une promesse de renaissance et de lien retrouvé entre le continent africain et sa diaspora.
Yasmine Alemwa Ibango




