Dans un contexte de tensions extrêmes entre Kinshasa et Kigali, enfoui des hostilités verbales, un différend diplomatique persistant et des affrontements violents opposant les FARDC à la rébellion AFC/M23, ont permis la signature des Accords de Washington, le 4 décembre 2025, marquant ainsi une séquence diplomatique déterminante pour la RDC.
En effet, sous la médiation américaine, Félix Tshisekedi et Paul Kagame, respectivement Présidents de la RDC et du Rwanda, ont paraphé un texte présenté comme « historique », censé ouvrir une nouvelle phase sécuritaire et économique dans la région des Grands Lacs.
Pour Kinshasa, la signature vient « formaliser » des engagements entamés en juin dernier au niveau ministériel de ces deux pays par Thérèse Kayikwamba Wagner (RDC) et Olivier Nduhungirehe (Rwanda). Cette démarche s’inscrit donc dans une continuité diplomatique et non dans une rupture.
Washington,à y voit une réussite : le président américain Donald Trump n’a pas manqué de rappeler, dans son style caractéristique, l’ampleur des souffrances humaines dans l’Est de la RDC et sa volonté de mettre fin à une crise vieille de trois décennies.
Au-delà du lyrisme, les États-Unis cherchent surtout à repositionner leur influence dans une zone stratégique, marquée par les rivalités entre puissances régionales et par les enjeux liés aux minerais critiques.
L’accord signé reprend les axes annoncés en juin, notamment :
- Un cessez-le-feu permanent ;
- Le désarmement des groupes armés non étatiques ;
- La facilitation du retour des réfugiés ;
- La mise en place de mécanismes judiciaires contre les auteurs d’atrocités.
Sur le papier, ce sont les revendications historiques de Kinshasa : mettre fin au soutien extérieur aux rébellions, couper les réseaux d’exploitation illicite des ressources et apaiser la souffrance des populations civiles.
Cependant, la réalité du terrain demeure inchangée.
Les combats persistent, l’AFC/M23 étend ses positions et aucune mesure de confiance n’a été mise en œuvre. L’accord donne donc à la RDC, un levier diplomatique supplémentaire, mais ne crée pas immédiatement un changement stratégique.
Le président américain s’est félicité de ce qu’il décrit comme « la huitième guerre réglée en moins d’un an ». Son discours, très valorisant pour lui-même, insiste sur le potentiel économique de la région :
« La RDC et le Rwanda ont accepté d’intégrer plus étroitement leurs économies, plutôt que de se battre. Ils vont réussir. »
Cette vision, qui suppose une coopération étroite entre deux États dont les relations restent profondément conflictuelles, interroge.
Pour Kinshasa, la priorité n’est pas une intégration forcée, mais la fin des agressions et le rétablissement de la souveraineté sur ses territoires.
En parallèle des Accords de Washington, la RDC et le Rwanda ont signé le Cadre régional d’intégration économique (REIF), présenté par les États-Unis comme un instrument « novateur » destiné à stimuler les investissements américains.
Pour Kinshasa, cet outil peut être perçu comme :
- attirer des investissements américains ;
- formaliser un corridor minier transparent ;
- limiter les circuits illégaux qui financent les groupes armés.
Mais aussi un risque
- créer une pression vers une coopération économique prématurée ;
- offrir à Kigali une légitimité diplomatique sans changement concret sur le terrain ;
- diluer la question centrale des responsabilités dans l’instabilité régionale.
La signature intervient alors qu’un autre processus parallèle, piloté par le Qatar, tente de négocier directement avec l’AFC/M23.
Les deux démarches – Washington (États) et Doha (rébellion) – coexistent, mais sans articulation claire.
Washington privilégie une approche interétatique, dans laquelle Kigali est un partenaire indispensable.
Doha, lui, s’intéresse au rapport direct avec les acteurs armés.
Cette dualité fragilise la cohérence globale du processus, mais offre paradoxalement à Kinshasa plusieurs leviers diplomatiques simultanés.
Du point de vue du gouvernement congolais, les Accords de Washington constituent :
- une reconnaissance internationale du rôle déstabilisateur des groupes armés soutenus de l’extérieur,
- une réaffirmation de la souveraineté de la RDC,
- une opportunité d’obtenir des garanties sécuritaires et économiques.
Cependant, le document reste un engagement politique, dépendant :
- de la mise en œuvre réelle sur le terrain,
- du respect des engagements par Kigali,
- du suivi strict par les États-Unis et les partenaires régionaux.
À ce stade, rien ne prouve que les dynamiques militaires aillent changer, et la RDC sait que plusieurs accords passés n’ont jamais été respectés.
Les Accords de Washington offrent à la RDC une victoire symbolique et une visibilité diplomatique accrue. Ils replacent officiellement le Rwanda devant ses responsabilités, tout en ouvrant la porte à une coopération économique régulée.
Mais la paix véritable dépendra moins des signatures que de la cessation des hostilités, du retrait effectif de la rébellion et d’un accompagnement international sérieux.
Kinshasa a marqué un point diplomatique.
Il reste à transformer cette avancée en résultats tangibles pour les populations de l’Est — ce qui, jusqu’ici, n’a jamais été garanti.
Yasmine Alemwa Ibango




